Introduction

Molière, de son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin, est un dramaturge français du XVIIème siècle. Il est célèbre pour ses comédies, qui dénoncent notamment les défauts de l’Homme en mettant en scène des personnages exagérés et excessifs. On retrouve ainsi plusieurs pièces comme L’Avare (représenté pour la première fois en 1668) ou encore Les Précieuses RidiculesLe Malade Imaginaire est la dernière pièce de Molière. Elle est constituée de trois actes. Elle nous présente un personnage, Argan, qui souhaite marier sa fille à un médecin. L’extrait que nous allons analyser est la scène 1 de l’acte I, il se trouve donc au tout début de la pièce. Généralement, cette première scène est une scène d’exposition. Nous pourrions ainsi nous demander si cette scène présente les caractéristiques d’une scène d’exposition. Nous allons donc nous intéresser dans un premier temps à la présentation du personnage principal, Argan. Puis, dans un second temps, nous étudierons la moquerie faite par Molière sur la médecine.

 

Premier mouvement

De « Trois et deux font cinq » à « ses parties sont toujours fort civiles ».

Premièrement, nous allons étudier la présentation du personnage d’Argan.
La première didascalie « ARGAN, assis, une table devant lui, comptant des jetons les parties de son apothicaire » nous apprend qu’Argan se trouve assis, c’est-à-dire une position statique. Cela va aussi le placer en infériorité par rapport aux autres personnages qui vont, par la suite, avoir une attitude plus « vivante ». 
De plus, le champ lexical du nombre avec les termes « comptant », « deux », « cinq », « trois », « dix », « vingt » suggère une certaine obsession avec les nombres et la comptabilité. Il y a par ailleurs déjà la présence d’ironie et une première caricature du personnage. Cela se traduit notamment par la répétition de certaines phrases tels que « Trois et deux font cinq ». Ainsi, la scène est inscrite dans le registre comique grâce à ce comique de répétition et de caractère.

On remarque aussi qu’Argan est seul sur scène. Pourtant, ce dernier va imiter son apothicaire (son pharmacien) intitulé Monsieur Fleurant. Cette imitation est traduite par l’utilisation de guillemets. Argan mène ainsi une sorte de dialogue fictif avec Fleurant.
Il y a aussi un parallèle entre le discours d’Argan et le supposé discours de Fleurant : tous les deux semblent fascinés voire obsédés par la comptabilité, comme le suggère le terme « Plus du vingt-quatrième ».

 

Second mouvement

De « Les entrailles de monsieur, trente sols. » à la fin de la scène.

Dans le second mouvement, nous pouvons remarquer une satire (critique) de la médecine. 
En effet, le discours rapporté de l’apothicaire (en effet ce n’est pas lui qui le prononce mais c’est Argan qui va rapporter ses paroles ou du moins imaginer ses paroles) va permettre à Molière de se moquer de la médecine de son époque. 
Cette parodie se traduit notamment par l’utilisation de rimes (comme « détersif » / « soporatif » ou encore « purgative » / « corroborative »), par l’utilisation d’allitérations (par exemple en « s » avec « casse récente avec séné levantin ») ou bien même les nombreuses paronomases (« clystère » et « catholicon »). Cela suggère une certaine poésie dans les paroles de Monsieur Fleurant : il perd ainsi sa crédibilité de son statut de médecin.
De plus, nous pouvons remarquer que l’apothicaire décide des prix pour les guérisons de son patient. Cela le décribilise encore plus : on a en effet plus l’impression d’avoir affaire à un commerçant qu’à un médecin. Il ne semble pas soucieux d’aider son patient mais seulement de gagner de l’argent derrière sa guérison. 
Cela ne semble pas inquiété Argan qui ne semble intéresser que par le prix qu’il va devoir payer et non par sa guérison (« Trente sols un lavement ! »).
Ces deux points de vue sont renforcés par le champ lexical de l’argent qui est omniprésent durant tout le mouvement (« sols », « deniers », « livres ») et par le champ lexical du calcul (« plus », « font »).
Le registre comique est rappelé par l’énumération censée présentée les soins prescrits « balayer, laver et nettoyer ». Ces trois verbes ne sont pas des termes scientifiques ni médicaux.
Par ailleurs, la relation entre Argan et Monsieur Fleurant évolue. Au début de l’extrait, nous avions affaire à un médecin et son patient. Mais la phrase d’Argan « Avec votre permission, dix sols » vient bouleverser cette situation. Nous nous trouvons maintenant en face d’un client qui souhaite négocier les prix avec un vendeur.  Cela se traduit aussi par la phrase d’Argan « Je ne me plains pas de celui-là car il me fit bien dormir ». Il donne l’impression d’un client satisfait du produit qu’il vient d’acheter.
De plus, nous pouvons noter que Molière donne l’impression que le corps d’Argan serait démembré. Pour cela, il utilise le champ lexical du corps (« sang », « bile », « bas-ventre ») en le classant en parties (« du vingt-sixième », « du vingt-septième » …). Son corps semble ainsi être traité comme une machine constituée de plusieurs pièces. 
On remarque ici deux moqueries de Molière.
La première est la moquerie de la théorie des humeurs grâce aux terme « humeur ». Il se moque ici de la fascination des gens de l’époque pour cette théorie.
La seconde vient du fait qu’il décrit des parties non-nobles du corps tel que le « bas-ventre ».
Les phrases, dans la suite du texte, sont extrêmement longues et comportent un vocabulaire médical très spécifique. On a ainsi l’impression d’une abondance de mots dont on ne comprend pas toujours le sens ce qui rend encore une fois la pièce comique.
Il est aussi intéressant de noter que la tirade supposée de Fleurant : « Plus une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoar, sirop de limon et grenades, et autres » est remplie de fruits exotiques comme si dans cette imaginaire utopique la médecine était magique.
Ce ravissement est vite détruit par Argan : « si vous en use comme cela, on ne voudra plus être malade ». Cette réplique est paradoxale : on ne peut pas « choisir » de tomber malade, la guérison n’est pas un loisir où les gens voudraient se rendre. 
La suite du texte est complétement remplie de nombres, à un point où cela en devient presque incompréhensible (« une, deux, trois », « quatre francs, vingt et quarante sols »). Cela traduit la préférence de la quantité des traitements mais non de leur qualité. Argan s’en rend compte lui-même : il demande « Allons qu’on m’ôte tout ceci » où tout ceci représente les médicaments. Il témoigne donc de son inutilité et le dégrade en l’appelant avec une périphrase.
A la fin de l’extrait, Argan souhaite appeler sa servante. Il fait donc sonner une clochette comme indiqué dans la didascalie mais le son ne lui est pas suffisant. Il va donc essayer de la mimer (« Drelin, drelin, drelin »). Le personnage n’est plus du tout pragmatique.
Enfin, on peut remarquer une série d’interjections « Chienne ! coquine ! […] carogne !». Les allitérations en [k] donne à cette fin de scène un effet plutôt chaotique ce qui la place bien dans le domaine de la comédie et de la farce.


Conclusion

Cette première scène de la pièce de théâtre est bien une scène d’exposition. Malgré l’absence de l’intrigue, on retrouve le genre de la pièce et l’ambiance qui va y régner. Il y a de plus une première description comique du personnage principal et une satire de la médecine. 
L’histoire de la pièce va faire rire le spectateur mais il ne faut pas oublier la dimension philosophique de la pièce qui va permettre au spectateur de s’amuser tout en apprenant.