Entre triche, plagiat involontaire et absence de réflexion personnelle, comment sensibiliser les étudiants au bon usage de l’IA pour en faire un outil efficace, tout en continuant à évaluer leurs connaissances et compétences ?  

Quel est l’impact de l’IA générative sur l’évaluation des étudiants ? 

Selon un rapport sénatorial d’octobre 2024, plus de 80 % des jeunes de 18 à 21 ans utiliseraient des IA génératives dans le cadre de leurs études. Nous pouvons alors nous questionner sur l’impact de cette nouvelle technologie sur le milieu de l’enseignement.  

L’IA et les méthodes d’évaluation traditionnelles  

Les méthodes d’évaluation traditionnelles, particulièrement celles qui visent à mesurer des connaissances brutes, semblent de plus en plus obsolètes. Avec l’IA, cela est d’autant plus vrai qu’elle peut donner les réponses à des questions courtes à la place de l’étudiant. Elle peut aussi venir en aide aux élèves dyslexiques ou avec des difficultés rédactionnelles, biaisant toute évaluation des capacités de rédaction et de synthèse. Certaines copies rédigées par IA sont même parfois mieux notées que celles d’autres étudiants ayant rédigé eux-mêmes leur devoir, ce qui ne fait que renforcer la tentation d’utiliser ces outils pour faire ses devoirs ! Cependant, plus de deux ans après la sortie de ChatGPT, l’entraînement pour détecter ces textes a porté ses fruits : entre les réponses peu originales et (trop) similaires entre plusieurs étudiants, au contenu creux et au vocabulaire aujourd’hui identifiable, il est de moins en moins probable qu’un devoir créé par une IA parvienne à décrocher une bonne note ! 

Vers une adaptation des méthodes 

Charles Hadji (2025), professeur en sciences de l’éducation à l’Université Grenoble Alpes, propose d’identifier deux éléments clés pour concevoir une évaluation pertinente. Il s’agit dans un premier temps de l’objectif éducatif : quelle compétence est évaluée ? Quels critères pour dire que cette compétence est acquise ou non ? Pour évaluer un savoir, l’enjeu est alors de distinguer celui qui le possède vraiment, de celui qui le tire d’une IA. Dans un second temps, il s’agit de trouver un exercice qui permet à l’étudiant de prouver qu’il a bien développé cette compétence. Ces deux étapes ne constituent rien de nouveau avec les méthodes traditionnelles qui suivent la même logique, mais il est nécessaire de les adapter à la présence de l’IA. 

La formation des enseignants  

Selon une enquête réalisée par l’AINOA (2024) sur les usages de l’IA dans les pratiques d'évaluation, 39 % des enseignants affirment les avoir changés depuis l’apparition de l'IA générative en 2022. Si cela s’est dans un premier temps fait à tâtons, plusieurs outils existent aujourd’hui afin de mieux préparer les enseignants. Des guides sont élaborés pour répondre rapidement aux enjeux. Certaines formations offrant des outils pour favoriser cette adaptation. La seconde partie de cet article propose une synthèse des principales alternatives trouvées à ce jour. 

Quelles solutions pour maintenir une évaluation des étudiants juste et pertinente ? 

La détection de l’IA 

Les universités ont d’abord cherché à détecter et à punir l’IA, en faisant appel à des prestataires privés ayant développé des logiciels de détection anti-IA. Parmi les plus connus et figurant dans la plupart des classements des meilleurs détecteurs d’IA en 2025, on trouve Winston, ou encore Lucide et Originality. Compilatio est aussi une alternative souvent utilisée par les Universités.  

En revanche, la détection est encore hasardeuse : les détecteurs exprimant leurs résultats en probabilités, il semble difficile de sanctionner sévèrement l’utilisation de l’IA dans les Universités. Entre les faux positifs et les mémoires qui passent comme une lettre à la poste alors qu’ils ont été presque intégralement rédigés par une IA, comme en témoignent certains étudiants, il est nécessaire de faire la part entre un étudiant volontaire, mais ne sachant pas bien l’utiliser – par exemple un étudiant qui utiliserait l’IA pour corriger son travail qui est ensuite détecté par le logiciel - et un étudiant souhaitant tricher, mais avec ruse – par exemple un étudiant qui fait faire son devoir à une IA en utilisant des prompts pertinents, voire des logiciels brouilleurs d’IA, et contourne la détection (Séverin Graveleau et Eric Nunès, 2025). 

Le présentiel et l’encadrement des devoirs à la maison 

Est-il encore possible de donner des devoirs maison alors qu’il s’agit du lieu parfait pour avoir recours à une IA en toute liberté ? Pour certains enseignants, la réponse est claire et se traduit par une recrudescence du présentiel, solution simple et efficace, mais dont la conséquence est une diminution du temps en classe autrefois dédiée au processus d’apprentissage.  

Ainsi, si de nombreux enseignants ont abandonné le devoir maison en faveur d’une évaluation entièrement en présentiel, d’autres tentent encore de trouver des solutions pour contraindre des étudiants à effectuer les exercices soumis par eux-mêmes. Pour ce faire, ils doivent faire preuve de créativité et trouver des solutions ingénieuses. Il est possible de créer des sujets plus difficilement accessibles aux IA, par exemple des sujets peu récurrents sur Internet, à partir de données récentes ou faisant appel à une expérience de terrain ou un commanditaire réel (Service Universitaire de Pédagogie Université Bretagne Sud, 2024). Il est aussi possible de miser sur le format du rendu : une interview ou un schéma de synthèse nécessiteront un investissement et une réflexion de l’étudiant (Agnès Millet, 2023). Thomas Desserrey, ingénieur pédagogique au Lab UA de l'université d'Angers, a aussi participé au blocage de la fonction copier-coller sur le QCM d’un enseignant diffusé sur Moodle afin de rendre plus laborieux l’usage de l’IA.  

Une place plus importante accordée à l’oral 

En plus du présentiel, les évaluations orales sont aussi privilégiées. Avec un oral, il n’est en effet plus possible d’utiliser une IA pour réfléchir à sa place. Elle peut toujours être utilisée lors de la préparation du sujet en amont, mais nécessite un apprentissage et une appropriation en vue de restituer le contenu. Cela évite le copier-coller et favorise l’argumentation. C’est dans cette dynamique que Vincent Salaun, maître de conférences à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de l’université de Bretagne occidentale de Brest, a par exemple pris l'initiative de supprimer le mémoire de fin d’études du Master 2 « Management des systèmes d’information » au profit d’un « grand oral » sur un sujet libre (Séverin Graveleau et Eric Nunès, 2025).  

D’autres enseignants ne sont cependant pas de cet avis : Alan Hervé, responsable du master Europe et affaires mondiales à Sciences Po Rennes, affirme qu’un mémoire implique irrémédiablement un travail de recherche qui ne peut être entièrement effectué par une IA. Celle-ci, loin d’être perçue négativement, est alors assimilée à un outil pour améliorer le travail de l’étudiant, dont la réflexion sera toujours là (Mossane Faye, 2023).  

La solution de l’oral peut par ailleurs s’avérer complexe à mettre en place dans certaines filières où chaque promotion compte quelques centaines d’étudiants (Agnès Millet, 2023). 

Une valorisation des savoir-faire au lieu des savoirs 

Une tendance qui semble cette fois-ci faire l’unanimité est l’évaluation des capacités, et non plus du contenu d’un programme. Pour remplacer les traditionnels contrôles de connaissances, déjà moins fréquents dans les Universités que dans l’enseignement secondaire, les enseignants peuvent opter pour une analyse réflexive sur un cas concret ou des choix argumentés. Une autre solution parfois choisie est celle des rendus d’étapes, permettant de constater l’évolution de l’étudiant, ou encore les travaux de groupes avec un planning. 

L’intégration de l’IA dans l’apprentissage  

Les Universités tendent de plus en plus vers un encadrement, contrairement à la posture de départ qui visait à une interdiction formelle de tout recours à l’IA. Le sondage mené par l’Institut Sphinx, en partenariat avec Compilatio, auprès d’enseignants et étudiants en 2023, a révélé que 44% des enseignants prévoient que les IA génératives deviendront des outils d’apprentissage à part entière. La stratégie est alors d’encourager la transparence. Pour cela, certaines Universités ont opté pour une charte autorisant l’IA à condition de le reconnaître et de spécifier quel usage en a été fait, valorisant ainsi une utilisation raisonnée de l’IA 

Au sein même des évaluations, il est possible d’impliquer une IA afin de développer l’esprit d’analyse et le regard critique des étudiants tout en favorisant la sensibilisation aux limites de ces outils. Plus concrètement, la consigne peut demander de juger la qualité de la réponse donnée par l’IAafin d’en analyser la pertinence et de révéler les incohérences ; ou bien d’enrichir une réponse donnée par l’IA. Pour aller plus loin dans la démarche et former les étudiants à l’IA, ce qui pourra leur être utile dans leur avenir professionnel, il est possible d’autoriser l’utilisation d’une IA pour répondre à une question en demandant quel prompt a été utilisé, et pourquoi (Séverin Graveleau et Eric Nunès, 2025) 

Par ailleurs, notons que l’IA pourrait devenir un nouvel outil permettant de révolutionner les méthodes d’évaluation, par exemple en proposant des questionnaires à la difficulté évolutive en fonction des réponses données (DigitalMate, 2024). 

 

Sources 

Agnès Millet (2023). Comment adapter les évaluations dans le supérieur pour déjouer ChatGPT ? L’étudiant EducPros. https://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/comment-adapter-les-evaluations-dans-le-superieur-pour-dejouer-chatgpt.html  

DigitalMate (2024). Révolution de l’éducation avec l’IA : changement de paradigme pour les professeurs et les étudiants. https://www.digitalmate.fr/revolution-education-ia/ 

Charles Hadji (2025). Ce que ChatGPT change à l’évaluation des élèves. The Conversation. https://theconversation.com/ce-que-chatgpt-change-a-levaluation-des-eleves-247287 

Marc Alperovitch et Anaïs Pierre (2025). L'évaluation des compétences à l'ère de l'IA : enjeux, méthodes et évolution des pratiques. Isograd. https://www.youtube.com/watch?v=E2SpXNJIsBk 

Mossane Faye (2023). Des étudiants tentés par ChatGPT pour les « assister » dans leur mémoire : « Je suis assez décomplexée par rapport à l’intelligence artificielle ». Le Monde. https://www.lemonde.fr/article-offert/681844b2374c-6205324/des-etudiants-tentes-par-chatgpt-pour-les-assister-dans-leur-memoire-je-suis-assez-decomplexee-par-rapport-a-l-intelligence-artificielle 

Service Universitaire de Pédagogie Université Bretagne Sud (2024). Repenser ses évaluations à l’heure des IA Génératives (IAGs). https://sup-ubs.fr/documentation/ia-generatives-repenser-ses-evaluations-enseignement-superieur/  

Séverin Graveleau et Eric Nunès (2025). A l’heure des IA, la révolution silencieuse des examens : « La question n’est plus de savoir s’il faut s’opposer, mais comment on va vivre avec ». Le Monde. https://www.lemonde.fr/article-offert/535947b54788-6592432/a-l-heure-des-ia-la-revolution-silencieuse-des-examens-la-question-n-est-plus-de-savoir-s-il-faut-s-opposer-mais-comment-on-va-vivre-avec